N'ayant
pas de but précis, je m'en retournais vers l'avant du pont. La
timonerie se trouvait là-bas et le capitaine ne devait pas s'en
trouver loin. Une petite barrière séparait l'espace réservé à la
première classe de celui de l'équipage. Fermé à clé, j'appelais
un officier non loin de là. Il s'approcha.
-Second
officer Lightoller, What can I do for you, sir ?
Oh,
excusez-moi, pour les besoins de l'histoire, je ferais dorénavant
parler mes personnages en français. Sachez qu'à bord du Titanic,
l'Anglais était de rigueur. Seul 39 français, passagers ou membre
d'équipage participaient au voyage. Reprenons...
-Second
officier Lightoller, que puis-je faire pour vous, monsieur ?
-Bonjour,
j'ai reçu une invitation du commandant, monsieur. Je cherche à le
rejoindre.
-Faites-moi
voir cette invitation.
Je
lui montrais le carton. Il ouvrit le petit portail et par une porte,
il me fit entrer dans le quartier des officiers. La petite coursive
était semblable à celle qui menait à ma cabine.
-Ou
êtes-vous installé ?
-Tout
près, monsieur, la cabine de première classe X.
-Effectivement.
Vous pourrez y accéderez par cette porte, sur la droite, au bout de la
coursive.
Je
savais désormais ou menait cette porte au-dessus de laquelle était
indiqué « crew only » à droite de la porte de ma
cabine. Cependant, nous tournions le dos à cette issue pour nous
rendre vers l'extrême avant du pont. Nous arrivions, au bout de la
coursive dans une pièce, assez étroite, ou trônait au centre, une
roue de gouvernail. Ce devait être la timonerie, bien-sûr. Les cinq
fenêtre à l'avant ouvraient sur une autre pièce, apparemment
ouverte ou une deuxième roue était dans la lignée de la première,
parfaitement centrée.
Nous
traversions la pièce pour passer du côté bâbord au côté
tribord du navire. De là nous sommes entré dans une pièce bien
plus petite que la timonerie. Une table surchargée de carte et un
canapé y tenaient à peine. Une seule autre porte, exceptée l'accès
à la timonerie permettait de sortir de cette pièce. Lightoller
frappa doucement à la porte.
-Commandant ?
Charles de Morvan pour vous.
La
porte s'ouvrit laissant apparaître un visage encadré d'une barbe
blanche. Lightoller termina.
-Je
vous laisse, bonne continuation. Commandant.
Il
salua l'homme à la barbe blanche qui me fit entrer avant de refermer
la porte.
La
pièce était large et accueillante. Un fauteuil encadré de deux
armoires couvraient le mur du fond alors qu'une large bibliothèque
leur faisait face contre le mur opposé. Une petite table
accompagnait le canapé. Au-dessus, deux fenêtres offrant une vue
sur le pont avaient-été percées. Un bureau avait été installé
contre le mur ou se trouvait la porte par laquelle je venais de
passer. Un baromètre et une horloge était accroché au mur. Le
commandant m'invita à m'installer sur le canapé. Pour y accéder,
je devais marcher sur un large tapis. En me voyant l'observer, le
commandant cru bon devoir ajouter :
-Axminster.
Une valeur exceptionnelle.
Il
vint s'asseoir à ma gauche. Sur le mur à ma gauche, une porte
faisait face à celle par laquelle j'étais entré. A sa droite, un
rideau devait déboucher sur un autre placard.
L'homme
me dévisageait. D'aussi près, je voyais de profonds sillons
astucieusement cachés par la barbe du capitaine qui, visiblement
n'était pas à sa première traversée. Il parla en premier.
-Monsieur
de Morvan. J'ai reçu un télégramme d'un journal breton
l'Ouest-Eclair. Vous travaillez pour eux il me semble ?
-Effectivement
oui. Je n'arrivais pas à déceler dans ses yeux si c'était un
reproche ou non.
-Vous
avez été mandaté pour dresser un rapport sur la vie et les
équipement de ce navire, n'est-ce pas ? Comment compté-vous
vous y prendre ?
-Et
bien, commandant...
-Je
vous propose une petite visite du quartier des officiers, pour
commencer. Nous aviserons pour la suite. Cela vous convient-il ?
-Je
n'osais vous le proposer, monsieur ! Merci, merci infiniment.
Le
vieux capitaine esquissa un sourire. Il reprit.
-Vous
êtes ici dans l'une des trois pièces qui me sont exclusive.
Traditionnellement, mes quartiers se trouve à tribord. Si le moindre
soucis se déclare, je suis en un instant sur le pont en passant par
la salle des cartes que vous avez traversé. Dans ce salon, je peux y
passer mon temps libre ou recevoir, comme maintenant des invités.
Cette porte, il me montra celle à côté du rideau, mène à la
coursive que vous avez traversé, certainement du côté bâbord
puisque vous êtes arrivé par la salle des cartes. Derrière ce
rideau, vous avez ma chambre, suivez-moi.
Je
passais, après le capitaine, derrière le rideau qui ne menait pas à
un placard comme je l'avais cru mais, effectivement, à une véritable
chambre.
La
pièce était plus petite que le salon que je venais de quitter. Elle
était lambrissé en bois de chêne sur toute la partie inférieur
des murs, le dessus était peint en blanc. Une fenêtre perçait le
mur extérieur. Sur le mur face à moi, une porte était fermée. Un
lit occupait le mur, sous la fenêtre, contre le mur extérieur.
Entre lui et la porte, un bureau venait occuper l'espace restant du
mur, face à moi. Il était équipé de sept tiroirs et d'un miroir
pivotant au-dessus.
-Je
passe la plupart de mes nuits ici-même, me dit la capitaine,
visiblement heureux de faire visiter ses appartements. En tant que
commandant de ce navire, je n'ai pas a respecter de quart sur la
passerelle. Mes nuits sont donc, sauf incidents, complètes.
Il
me gratifia d'un clin d'oeil, avant de se diriger vers la porte
fermée. Nous arrivions dans une petite salle de bain.
-Très
semblable à toutes les salles de bains de première classe, la
mienne est équipée d'une baignoire, d'un toilette et d'un lavabo
Doulton. Vous avez ici une armoire à pharmacie avec une porte
miroir, très utile et... Dites-moi, vous ne prenez pas de notes ?
-Je
trouve cela impoli pour la personne qui me donne ses explications,
monsieur. Rassurez-vous, je prendrais note de tout ce que vous m'avez
raconté lorsque nous aurons terminé notre rencontre.
-Et
bien, nous en avons terminé de la visite de mes appartements, je
vous propose de continuer si vous le voulez bien. Passons par cette
porte qui mène à la coursive. Je me suis, d'ailleurs, toujours
demandé pour avoir installé une porte manant à ma salle de bain.
Enfin, l'esthétique, j'imagine.
Alors
que je sortais dans la coursive accompagné du capitaine, un officier
vint à notre rencontre.
-Boxhall,
dit le capitaine, je vous présente monsieur de Morvan, journaliste
français à bord.
-Quatrième
officier Joseph Boxhall, monsieur, à votre service.
-Bonjour
répondais-je.
Le
capitaine reprit:
-Quelles
sont les nouvelles ?
-Justement,
répondit Boxhall, Mr Wilde à prit son quart, il voudrait vous
entretenir.
-14
heures, déjà ? Oh, mon dieu, que le temps passe. Dites-lui que
j'arrive le plus vite possible.
Le
jeune officiers s'en allait prévenir son supérieur d'un pas
précipité.
-Et
bien, monsieur de Morvan, je crois bien que nous allons devoir
remettre la suite de notre petite visite. Revenez donc vers dix-sept
heures trente, nous achèverons notre visite et vous resterez avec
nous pour l'arrivée en rade de Cherbourg. La vue, de la timonerie
est imprenable.
-Bien,
parfait. Merci monsieur, de m'accorder de votre précieux temps. Je
serais présent à 17h30, je vous remercie.
-Pas
tant de remerciement, vous allez me faire rougir. Répondit le
capitaine, souriant franchement.
Il
s'en alla d'un pas tranquille en direction de la timonerie.
Je
prenais une coursive latérale m'emmenant du côté bâbord du
navire, de là, je tournais à gauche et, au bout de la coursive,
prenait la dernière porte à droite, que m'avait indiqué le
deuxième officier qui m'avait conduit au commandant. Effectivement,
je revenais dans la coursive depuis laquelle j'accédais à ma
cabine. Je m'y rendais et prenait en note sur un bout de papier toute
les informations fournies par le capitaine en décrivant du mieux
possible les pièces que je venais de découvrir..
Mon
ventre commençait à gronder et je me demandais soudain s'il était
possible de manger à cette heure sur ce paquebot. La chaleur dans la
cabine était intenable, j'ouvrais la fenêtre et ouvrait le livret
que l'on m'avait donné à mon embarcation. Je le feuilletai pour
trouver les horaires de la salle à manger. Celle-ci restait
disponible jusqu'à 14 heures 30. Je voulais prendre mon temps pour
ce premier repas. Je n'avais pas le choix cependant. Alors que je
m'apprêtais à refermer le livre, je lus, « En plus de la
salle à manger, le restaurant à la carte... » Je regardais de
plus près et vu que ce restaurant, au pont B, était ouvert en
permanence entre 8 heures et 23 heures. C'était décidé, j'irais
déguster mon premier repas là-bas. Je refermais la fenêtre et
sortais de la cabine.
Je
prenais le chemin du grand escalier. Je commençais à me repérer
dans cette première coursive et arrivait sans encombre sous le puits
de lumière offert par la verrière. J'entamais la descente vers le
pont A mais au demi palier, je découvris une horloge fantastique. Du
moins, fantastique étaient la sculpture qui l'entourait. En
approchant son oreille, on pouvait entendre le cliquetis du
mécanisme. Un passager qui montait du pont inférieur, s'arrêta à
ma hauteur.
-L'honneur
et la gloire couronnant le temps. Merveilleux ouvrage n'est-ce pas ?
-Fascinant,
je trouve aussi.
-Je
me présente, Franck Brown.
-Charles
de Morvan, vous êtes jésuite, non ? J'ai écris un article qui
vous mentionnait un jour.
-Vraiment ?
Oui, effectivement. Je profite des escales du Titanic pour retourner en
Irlande. Je débarquerais demain, à Queenstown. J'en profite pour
prendre le plus de photos possible de ce transatlantique de légende.
Bien que les navire le surpasseront en taille dans le futur, je pense
que le Titanic sera toujours une légende.
-Je
n'en doute pas, seulement, les pensées des gens évoluent avec le
monde, le Titanic sera une vieille dame dans quelques années. Vous
remarquez que l'on ne parle déjà plus de l'Olympic ou uniquement
pour mentionner son abordage.
-Vous
n'avez pas tord, je dois bien l'admettre, en attendant profitons de
cette vieille dame. Monsieur.
-Bonne
journée à vous, mon père.
Alors
qu'il montait au pont des embarcations, je descendais au pont A, puis
au pont B. J'allais à la rencontre d'un steward qui se dirigeait
vers les ascenseurs. Je lui demandais ou se trouvait le restaurant à
la carte. Il m'indiqua l'une des deux doubles portes que j'avais
remarqué à mon arrivé sur le navire, face à l'escalier. Le
restaurant à la carte était apparemment de l'autre côté.
J'ouvrais l'un des battants de la porte. Loin du restaurant à la
carte, je me retrouvais dans une longue coursive dont je ne voyais
pas le fond. J'entamais la marche à travers elle, porte et petites
coursives perpendiculaires se succédaient avec une régularité
déconcertante. Je marchais droit devant moi. Cette coursive était
vraiment incommensurable. J'arrivais enfin au bout, ou une autre
double porte m'attendait.
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